Stéphan Barron développe une position esthétique très importante pour le secteur des arts dans lequel il oeuvre et qu’il commente dans ce livre. Il s’agit d’une esthétique comportant une dimension anthropologique qui permet d’analyser les développements cognitif et affectifs de l’humain en fonction des nouvelles technologies. Cette analyse l’amène à dégager des considérations éthiques, à la fois sur les développements techniques et sur la notion de progrès du genre humain.
Conscient des menaces que représentent ces technologies, dont Sheila Rabinovitch disait qu’il est urgent que les artistes se les approprient pour que l’on puisse créer avec les outils qui menacent par ailleurs la planète, Stéphan Barron invite à repenser leur utilisation et leur développement dans une perspective écologique. Cette orientation éthico-écologiste qu’il présente avec un esprit critique dépasse l’attitude romantico-allarmiste et se nourrit à des courants de pensée diversifiés provenant des arts et des sciences, et qu’il est intéressant de conjuguer autour de cette question. C’est ainsi que la théorie des fractales trouve une résonnance dans la théorie des systèmes et dans la critique des diverses formes d’arts médiatiques. À cet égard, la pensée de Stéphan Barron est originale et féconde. Elle permet de revisiter toute une série d’oeuvres, et de relire des thèses qui semblaient éteintes ou allégées par la vulgarisation dont elles ont fait l’objet au cours des dernières années. Stéphan Barron en fait valoir la force et surtout la perspicacité et l’utilité.
Cette position éthique et esthétique sur l’art et sur la place de l’art dans la société s’étaye sur une sélection d’oeuvres et de démarches artistiques modernes, depuis Duchamp jusqu’aux travaux contemporains d’art télématique. Sa sélection et ses commentaires représentent une réécriture très instructive de l’histoire de l’art en fonction de paramètres permettant de comprendre ce qu’est devenu l’art, ses enjeux et ses défis actuels.
Il est important de souligner qu’il a su retenir des démarches artistiques qui ont toutes contribué, même indirectement à conduire l’art dans ses formations actuelles. La documentation de contemporains (Christa Sommerer et Laurent Mignonneau, Roy Ascott, etc.) présente d’autant plus d’intérêt que peu d’ouvrages et de documents circulent sur ces artistes dont le travail séminal mérite d’être connu.
Cette investigation sur le terrain de l’histoire de l’art a conduit l’artiste à présenter son propre cheminement artistique à travers une dizaine d’oeuvres qu’il commente et explique. Cette démarche artistique qui est à la fois poétique et efficace, ou devrait-on dire d’autant plus forte qu’elle est précisément authentiquement poétique.
Louise Poissant
Professeur à l’Université du Québec à Montréal
Groupe de Recherche en Arts Médiatiques