L’art planétaire est une forme d’art qui prend la Terre, dans sa dimension géographique et biosphérique comme support de création artistique. La distance est alors objet d’une recherche perceptive, émotive, poétique et éthique.
Poétique de l’Art Planétaire
« Entre lointain et proche, un espace blanc » Michel Serres
L’Art Planétaire est une forme d’art qui prend la Terre, dans sa dimension planétaire, comme matériau de réflexion et d’émotion artistique.
La sensualité de la distance existe dans la perte. Les outils que nous utilisons, même très sophistiqués, ne rendent pas la présence à distance totale. Nos sens doivent se mettre en éveil pour reconstituer l’autre, l’ailleurs. L’absence réveille nos sens, en réorganisant la perception. Participation de l’être par la reconstitution mentale d’un puzzle sensitif et émotif. Plus de toucher, il devient virtuel, impalpable il s’exacerbe. On ne peut plus toucher avec nos mains avides, on touche avec notre coeur, notre esprit, notre corps. La perception se réorganise. L’oeil et les mains n’ont plus la prédominance. L’oreille, la voix, sont les vecteurs de l’échange, de l’interactivité. Perte. Reconstitution d’un manque : plus de vision ou une vision déformée.
Dans Orient Express, l’image prise toutes les heures précises, nous oblige à reconstituer mentalement les intervalles. Orient Express fait des trous dans l’espace et des trous dans le temps. La conscience du temps s’y est exacerbée en se concentrant sur des points.
Dans Thaon / New York, le son est retransmis par satellite et l’image par le slow-scan. Metissage des sons particulièrement dans la séquence de musique interactive. Collage des sons, perte des repères spatiaux. L’image est floue, séquentielle, donc partielle dans le temps et partielle dans l’espace. Ces trous dans le son et l’image forment de la dentelle, deviennent un théâtre d’ombres, ombres d’images, ombres de son. Ici, c’est en enlevant, c’est la perte qui nous fait passer du réel à l’art.
Quel est ce plaisir et où réside l’émotion de l’ubiquité ? C’est la beauté de la présence à distance. Je partage ma conscience. Mon corps physique est là, ma conscience est partagée entre ce lieu et le lointain. Entre moi et l’autre. Là encore une perte, un échange. C’est la beauté de la communication avec un autre lieu, avec une autre personne : je participe de cet ailleurs, je participe de cet autre.
Dans cette intention, ce geste virtuel, il y a de l’amour, spirituel car désincarné, il y a de l’érotisme, car les sens sont aiguisés, et le fantasme exacerbé.
Sublime plaisir de la distance. Incertitude de la distance : entre deux, ambiguité, ambivalence, valeur partagée. Vide créateur, espace des possibles, utopie nécessaire à toute naissance, à toute création.
Imaginer à l’échelle planétaire, c’est redimensionner sa conscience. La conscience humaine peut s’étendre maintenant à la taille du globe. Extension de la conscience. Nous sommes à la fois infiniment grands et infiniment petits, perdus et retrouvés.
Dans Le bleu du ciel, le spectateur, face à la moyenne des deux ciels, celui au dessus de lui, celui à 1000 kilomètres, reconstitue mentalement la couleur, du gris au bleu, du ciel lointain. Le spectateur reconstitue l’enveloppe nuageuse atmosphérique, et sa conscience s’étend sur le globe.
Ozone, chaque son nous fait basculer d’une antipode à l’autre. Mouvement vibratoire de 20 000 kilomètres d’amplitude. Les sons des gaz d’échappement de Lille, répondent aux sons de l’atmosphère trouée. Interactions entre l’homme, l’air et le soleil.Le réseau et la noosphère. Interdépendances planétaires.
Urgence de l’art planetaire. Paysage virtuel : nous vivons l’interdépendance sans en être tous conscients. L’art planétaire redimensionne nos consciences. Il fait émerger le » sublime » d’une vision fractale du monde.
Changement de point de vue : au même moment où elle se développe dans l’espace, la conscience s’élève. Conscience cosmique. Elle lâche enfin l’ego. L’égoïsme s’estompe. Nous changeons de point de vue pour adopter un point d’être fractal, à la fois distancié et impliqué, particulier et infini.
La perspective ne part plus de nos yeux bornés. Nous sommes à une tierce place : en nous, dans l’autre, et en haut.
Venir à la rencontre. Entre Terre et ciel; toi et moi.
Leçon de distance, leçon de sagesse, leçon de spiritualité.
Stéphan Barron
Œuvres d’Art Planétaire de Stéphan Barron Œuvres d’Art Planétaire de Stéphan Barron
Le livre « Toucher l’espace, poétique de l’art planétaire » de Stéphan BARRON
Textes sur l’Art Planétaire en pdf
BARRON Stéphan, «Poétique de l’Art Planétaire», cédérom Art Planétaire, Ed. Rien de Spécial, Secqueville-en-Bessin, 1999
BARRON Stéphan, «The poetry of Earth Art», cédérom Art Planétaire, Ed. Rien de Spécial, Secqueville-en-Bessin, 1999
BARRON Stéphan, «Art Planétaire», Co-incidences spécial Art, communication technologique, N°11, Marseille, Juin 1995, p. 19-21
BARRON Stéphan, sans titre, Vers une culture de l’interactivité, Actes du colloque, Ed. Cité des sciences de La Villette, Paris, 1989, p. 159